Général Mamady Doumbouya,
Je vous adresse cette lettre non pas avec hostilité, mais avec conviction, avec un profond sens du devoir envers le peuple de Guinée, envers l’Afrique, et envers les principes de justice, de souveraineté et de gouvernance démocratique.
Lorsque vous êtes apparu à la tête du Comité National du Rassemblement pour le Développement (CNRD), l’espoir a jailli dans les cœurs de nombreux Guinéens et Africains. Vous avez promis de mettre fin à la corruption, de restaurer la dignité et de réécrire l’histoire de la gouvernance guinéenne. Le peuple a écouté. Le monde a écouté. Et, un instant, l’espoir d’une véritable transformation a paru à portée de main.
Mais au fil du temps, cet espoir s’est mué en doute.
Aujourd’hui, je viens vous rappeler une vérité ancienne et fondamentale : Vox populi, vox Dei – la voix du peuple est la voix de Dieu. Cette maxime, plus ancienne que nos nations, nous enseigne que la véritable autorité ne provient ni de la force des armes ni des calculs politiques, mais du consentement libre et éclairé du peuple.
Aucun uniforme, aucun grade, aucune idéologie ne saurait remplacer la légitimité née de la confiance populaire. Et lorsque cette confiance est trahie — ou suspendue sous le poids de promesses non tenues — ce n’est pas seulement la stabilité politique qui est mise en péril, c’est l’âme même de la nation qui vacille.
Général Doumbouya, la voix du peuple guinéen s’élève chaque jour davantage. Il ne réclame ni violence ni chaos, mais le droit de choisir, de s’exprimer librement, de construire son avenir, et de voter sans peur ni contrainte. Si votre mission est réellement celle du service, alors l’heure est venue d’écouter — non pas ceux qui vous flattent, mais les citoyens ordinaires dont la patience s’effrite.
L’histoire distingue deux types de dirigeants : ceux qui s’accrochent au pouvoir jusqu’à ce qu’il les écrase, et ceux qui, dans un sursaut de lucidité et de grandeur, s’élèvent au-dessus de l’ego pour offrir à leur peuple une destinée plus grande. Vous avez encore la possibilité d’être de ceux-là.
Mais comment parler de réconciliation et de justice quand des voix comme celles de Foniké Mengué, Billo Bah, Habib Marouane et tant d’autres sont réduites au silence, par la disparition, l’intimidation ou la détention arbitraire ? Ces hommes incarnent la conscience citoyenne d’un peuple en quête de liberté. Leur absence n’est pas seulement un drame humain ; elle est aussi une tache sur la promesse que vous avez faite à la nation.
Ne laissez pas la Guinée devenir un chapitre de plus dans le triste récit des transitions africaines avortées. Faites-en un exemple. Que votre nom ne soit pas associé à une prise de pouvoir de plus, mais à un acte rare de patriotisme : celui de le restituer au peuple.
Le monde vous regarde. Votre peuple attend.
Vox populi, vox Dei.
Avec respect et espoir inébranlable,
Abdoulaye Koleinkeh
Citoyen concerné