Conakry – Dans un contexte de recrudescence des discours haineux, d’injures et d’attaques personnelles sur les réseaux sociaux en Guinée, de nombreuses voix s’élèvent pour appeler à une réaction vigoureuse des autorités. Le juriste Sayon Mara plaide, dans une tribune, pour un renforcement des poursuites contre ces pratiques qui, selon lui, menacent les fondements moraux et juridiques de la société guinéenne.
Une violence verbale en pleine expansion
La toile guinéenne est devenue le théâtre de dérives langagières répétées. Politiques, citoyens, journalistes, femmes et enfants sont régulièrement la cible de propos grossiers, d’accusations infondées, voire de campagnes de diffamation organisées. « Des personnalités, qu’elles soient des régimes passés ou actuels, en sont victimes ; des familles éclaboussées par des individus en quête de vues ou de visibilité », déplore l’auteur.
Pour Sayon Mara, cette tendance à l’invective n’est pas anodine. Elle participe d’une « décrépitude morale » qui banalise l’insulte, affaiblit le vivre-ensemble et expose les plus vulnérables à l’humiliation publique. « Est-ce ce règne lamentable d’insulte et de vulgarité que certains veulent réserver, comme héritage, à la nouvelle génération ? », s’interroge-t-il.
Un appel à la justice : poursuites même sans plainte
Le juriste rappelle que la législation guinéenne prévoit des sanctions claires contre les injures publiques, y compris celles proférées en ligne. Plus encore, il souligne que le procureur de la République a le pouvoir de s’auto-saisir, sans attendre de plainte formelle des victimes. Ce pouvoir, inscrit dans sa mission de protection de l’ordre public, devrait, selon lui, être pleinement exercé.
« Il faut une véritable chasse judiciaire contre cette dépravation verbale, sans distinction aucune », martèle-t-il. À ses yeux, les injures sur internet ne relèvent ni de la liberté d’expression, ni de la satire. « Elles relèvent plutôt du mépris, de la déficience morale et de la décrépitude. »
Des institutions interpellées
Le plaidoyer s’adresse aussi à plusieurs institutions : les Officiers de Police Judiciaire (OPJ), l’Agence Nationale de la Sécurité Informatique (ANSI), et le corps des magistrats, en particulier ceux formés dans la lutte contre la cybercriminalité.
Sayon Mara s’interroge sur l’efficacité des dispositifs existants, alors même que « la Guinée dispose d’un Bureau de lutte contre la cybercriminalité » et que « plusieurs magistrats ont été formés à cet effet ». Il invite à sortir de l’inaction et à créer une véritable synergie entre les services concernés pour enrayer le phénomène.
Des modèles africains à suivre
Le juriste cite l’exemple de la Côte d’Ivoire, qui s’est dotée d’une police spéciale du numérique, et celui du Mali, où un procureur spécial a été nommé pour les cyberdélits. Des initiatives africaines inspirantes qui, selon lui, devraient servir de référence à la Guinée.
Un plaidoyer pour un sursaut collectif
« Personne n’est à l’abri », prévient l’auteur, appelant à une mobilisation de tous – magistrats, institutions, citoyens – contre cette culture toxique de la diffamation et de l’injure. Il insiste : l’impunité ne doit plus être la règle.
Ce plaidoyer intervient alors que plusieurs affaires récentes, impliquant des influenceurs ou activistes sur les réseaux sociaux, ont suscité l’émoi de l’opinion publique. Pour Sayon Mara, il est encore temps d’agir. Mais le temps presse.
Par la Rédaction, de louramedia.com